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Cannabis, pire que le tabac

Cannabis, pire que le tabac

Cannabis : plus dangereux que le tabac

Lorsqu’on fait une recherche sur internet avec les deux mots-clés « tabac » et « cannabis », on obtient 7 750 000 réponses, ce qui montre l’importance et la fréquence de cette association, liée au mode de consommation du cannabis dans de nombreux pays.

La consommation de cannabis en France est en augmentation depuis 2014 (OFDT, 2020), chez l’adulte.

En 2017, 4 adolescents sur 10 âgés de 17 ans (étude ESCAPAD, OFDT) ont déjà fumé du cannabis (39,1%), prévalence la plus basse enregistrée dans ESCAPAD depuis 2002.

En juin 2015, j’avais écrit un billet sur la consommation de drogues en France. J’avais alors précisé que « la consommation actuelle (usage des 12 derniers mois) et la consommation régulière (10 joints et plus par mois) de cannabis était en augmentation.

La consommation actuelle de cannabis concerne surtout les plus jeunes : 27 % pour les 18-25 ans, 35 % des hommes et 19 % des femmes. Un consommateur de cannabis sur cinq présente un risque élevé d’usage problématique de cannabis (objectivé par le questionnaire CAST ). Cela justifie pleinement qu’un repérage précoce, suivi d’une intervention brève (RPIB), préconisé par la Haute autorité de santé (HAS ) soit proposé, et que la question du tabac soit aussi abordée dans les Consultations jeunes consommateurs (CJC), comme le rappelait Jean-Pierre Couteron, ancien président de la Fédération Addictions en mars 2015.

 

Les effets du cannabis sur le système respiratoire

Michel Underner , pneumologue tabacologue au CHU de Poitiers, nous rappelle que la fumée de cannabis contient 50 à 70% de plus d’hydrocarbures aromatiques cancérogènes que la fumée de tabac.

La manière de fumer le cannabis est différente : la fumée est plus chaude et plus irritante, le volume des bouffées est plus important, l’inhalation plus profonde et prolongée. Ceci s’accompagne de plus de CO2 expiré et d’une rétention pulmonaire des goudrons quatre à cinq fois plus élevée qu’avec le tabac. Ainsi, un joint équivaut à 2,5 à 3 cigarettes de tabac, en ce qui concerne les conséquences sur la santé pulmonaire.

La consommation de cannabis par voie inhalée peut être responsable de symptômes respiratoires (toux, sifflements thoraciques), d’aggravation des symptômes d’asthme et même du développement d’un asthme (Underner, Peiffer et Perriot, 2021).

L’usage du cannabis est plus fréquent chez les adolescents asthmatiques (Jones et al., 2006 ; Bramness et von Soest, 2019), plus particulièrement avant l’âge de 13 ans : en effet, à court terme, le cannabis a un effet broncho-dilatateur. Par contre, à moyen et long terme, on observe une augmentation des signes fonctionnels respiratoires et des pathologies bronchiques, notamment… de l’asthme !

La fumée de cannabis a des effets carcinogènes « in vitro » (cultures de cellules) et « in vivo » (biopsies bronchiques). Cependant, les études épidémiologiques donnent des résultats discordants : études positives et études négatives (Jett et al., 2018). Par contre, le risque de cancer bronchique est augmenté en fonction de la dose et de la durée d’exposition :

  • risque multiplié par 5,7 pour une consommation de 10 joints par jour et par an (Aldington, 2008 ),
  • risque multiplié par 7,9 pour une consommation de cannabis depuis plus de 11 ans (Han et al., 2010 ).

 

La dépendance au cannabis : données neurobiologiques

Alain Dervaux , professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’Université Paris-Saclay et rédacteur en chef-adjoint du Courrier des Addictions, est l’auteur de nombreuses publications sur le sujet. En 2014, il avait participé à l’expertise collective Inserm  sur « les conduites addictives chez les adolescents ».

Le cannabis contient plus de 110 substances cannabinoïdes, dont l’une est particulièrement psychoactive : le delta9 THC (principe actif du cannabis) ; le cannabidiol ‘CBD), qui atténue les effets du delta9 THC, est à contrario très peu psychoactif. Le delta9 THC se fixe sur des récepteurs cannabinoïdes (CB1) présents dans différentes régions du cerveau (hippocampe, amygdale, cortex frontal) et le cervelet.

 

Les critères de trouble de l’usage de cannabis, selon le DSM5 :

Il existe 2 manifestations lors d’une période continue de 12 mois :

  1. Cannabis pris en quantité plus importante ou plus longtemps que prévu
  2. Efforts infructueux pour diminuer ou contrôler l’utilisation
  3. Beaucoup de temps passé à se procurer le cannabis, le fumer ou récupérer de ses effets
  4. Craving
  5. Difficultés à remplir ses obligations professionnelles, scolaires ou familiales
  6. La poursuite de la consommation malgré des problèmes relationnels ou sociaux persistants
  7. Activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes abandonnées
  8. Consommation répétée dans des situations potentiellement dangereuses
  9. Utilisation malgré des problèmes psychologiques ou physiques persistants
  10. Tolérance
  11. Manifestations de sevrage

 

Les critères DSM-5 de sevrage (non pris en compte dans le passé)

  1. Il faut présenter au moins 3 des manifestations suivantes:
  2. Irritabilité, colère ou agressivité
  3. Nervosité ou anxiété
  4. Troubles du sommeil (insomnie, rêves déplaisants)
  5. Appétit diminué ou perte de poids
  6. Agitation
  7. Humeur dysphorique ou dépressive
  8. Au moins un symptôme somatique : douleurs abdominales, tremblements, sueurs, fièvre, frissons, céphalées

Alain Dervaux nous rappelle quels sont les risques liés à l’usage du cannabis pendant l’adolescence (en lien avec la maturation cérébrale). La maturation cérébrale se poursuit bien au-delà, pendant l’adolescence et jusqu’à 25-30 ans (Trezza 2008 ; Malone 2010 ; Battistella et al., 2014). J’en avais parlé en 2014 dans mon billet : “Le cannabis n’est vraiment pas une drogue douce !”. La précocité de consommation de cannabis est un facteur de risque de dépendance au cannabis, ainsi qu’aux autres substances par la suite (Agrawal et al. 2006 ; Brook et al. 2002 ; Grant et al. 2009 ; Hawke et Henderson 2020). En particulier, on observe des troubles cognitifs liés à la précocité de la 1ère consommation, lorsqu’elle survient avant l’âge de 15 ans (; Kroon et Cousijn 2021). Enfin, le cannabis induit des altérations de la mémoire de travail et de la mémoire à court terme persistants au-delà de la période d’exposition (Renard 2013, Shaefer et al., 2021).

Il est important de préciser qu’il existe un questionnaire d’évaluation de l’usage problématique de cannabis, le CAST (Cannabis Use Screening Test), qui comprend 6 questions (usage au cours des 12 derniers mois):

  • Avez-vous déjà fumé du cannabis avant midi ? (oui/non),
  • Avez-vous déjà fumé du cannabis quand vous étiez seul(e) (oui/non),
  • Avez-vous déjà eu des problèmes de mémoire quand vous fumez du cannabis ? (oui/non),
  • Des amis ou des membres de votre famille vous ont-ils déjà dit que vous devriez réduire votre consommation de cannabis ? (oui/non),
  • Avez-vous déjà essayé de réduire votre consommation de cannabis sans y arriver ? (oui/non)
  • Avez-vous déjà eu des problèmes à cause de votre consommation de cannabis (dispute, bagarre, accident, résultats scolaires, …)? (oui/non). ?

J‘avais fait la validation clinique de ce questionnaire en 2008.

Trois réponses positives ou plus doivent amener à consulter une structure spécialisée (CJC, CSAPA).

Dans l’étude européenne ESPAD 2009 (ODT, 2021), effectuée auprès des jeunes âgés de 16 ans, 41% des jeunes français ont 3 réponses positives ou plus au CAST (plus que la moyenne européenne, qui est de 35%). Ainsi, 4% des jeunes européens sont concernés (CAST ≥3) et les jeunes français sont à la première place avec 7,8% : 8,3% des garçons et 6,3% des filles.

Attention aux cannabinoïdes de synthèse, comme l’Herbal incense, Spice ou le K2 : leur affinité est 5 à 50 fois supérieure pour les récepteurs CB1 cannabinoïdes, et ils ne sont pas détectables par les tests de routine de dépistage. Là encore, l’étude ESPAD 2019 nous révèle que 5,1% des jeunes français ont expérimenté ces cannabinoïdes de synthèse, les plus nombreux en Europe encore !

J’espère que ces informations vous auront été utiles, et qu’elles pourront vous servir si vous abordez la question avec vos enfants ou proches.

 

Ressources

Auteurices :

  • ARVERS Philippe (Dr – Médecin addictologue et tabacologue)
  • Equipe Offre Prévention de la Mutualité Française

 

Pour aller plus loin :

Aider un jeune qui consomme : les lieux ressources

La dépendance au tabac